https://www.legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/obligation-motivation-decisions-justice-juge-20210.htm

En matière pénale, les jugements rendus par les tribunaux et les arrêts rendus par les cours d’appel doivent contenir des « motifs ».

Ces « motifs » doivent, en principe, permettre au justiciable de comprendre la décision prise à son encontre par le juge pénal et sa condamnation.

Avec l’évolution du droit, un véritable « droit de comprendre » a été institué par le législateur.

A cet égard, le code de procédure pénale dispose que : « Tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif.
Les motifs constituent la base de la décision
 ».
Le « dispositif » est constitué par la partie qui commence par les termes : « par ces motifs« , c’est à dire la conclusion de la décision de justice. 

La motivation des décisions des juridictions répressives permet ainsi au prévenu de savoir pour quelles raisons il a été condamné ou à la personne mise en examen de connaître les raisons de son placement en détention provisoire.

Par ailleurs, la motivation des décisions des juridictions répressives permet d’apprécier l’opportunité d’exercer un éventuel recours contre une décision.

L’importance de la motivation des décisions de justice est telle que les arrêts et jugements qui sont rendus en dernier ressort sont déclarés nuls s’ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle et de constater que la loi a bien été respectée, appliquée et interprétée par les juges des juridictions inférieures.

Il en est de même lorsque les juges ont omis ou refusé de se prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ou sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public.

Les demandes des parties s’expriment sous forme de « moyens » formulés dans des oralement ou dans des conclusions écritures, bien que les écritures ne soient obligatoires devant les juridictions pénales car il s’agit d’une procédure dite « orale ».

Les moyens sont en pratique l’énonciation par une partie d’un fait, d’un acte ou d’un texte d’où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d’une demande, d’une défense ou d’une exception.

Le juge doit donc justifier son raisonnement et expliquer les raisons pour lesquelles il écarte tel raisonnement juridique et/ou pour lesquelles, par contre, il fait droit à tel autre raisonnement.

Par conséquent, l’obligation de motivation mise à la charge des juges dans leur décision de justice traduit le respect du droit des justiciables à être entendus et à avoir une réponse aux moyens soulevés.

Par ailleurs, la motivation doit être exempte d’insuffisance comme de contradiction et caractériser notamment en tous ses éléments constitutifs, tant matériel qu’intentionnel, l’infraction pénale dont le prévenu est déclaré coupable.
A cet égard, la chambre criminelle de la cour de cassation veille à ce que les décisions de justice comportent une motivation réelle.

 

Il en découle que le juge pénal ne peut fonder sa décision que sur son « intime conviction » mais sur des règles de droit qu’il rattache aux faits par un raisonnement juridique et qui garantit l’impartialité de sa décision.

Ces éléments tendent à octroyer aux justiciables un droit de comprendre leur condamnation pénale et d’éviter des décisions de justice arbitraires.

Anthony Bem – Avocat à la Cour – abem@cabinetbem.com
www.cabinetbem.com

A Madagascar, au tribunal correctionnel d’Antananarivo, le 15 décembre 2015, un magistrat a motivé une peine de 2 ans de prison avec sursis et 428.492 euros de dommages intérêts par une simple phrase :  » Il résulte preuve suffisante contre le prévenu d’avoir commis le délit d’abus de confiance à lui reprocher »

Sans aucune autre explication que cette phrase, RAMBELO Volatsinana, le magistrat  a franchi le pas de rentrer dans l’histoire de la justice à Madagascar. Elle fixe également  à 1.500.000.000 ariary, équivalent de 428.992 euros les intérêts civils en disant tout simplement « que le tribunal possède des éléments suffisants d’appréciation pour le ramener à sa juste proportion. »

Dans cette décision de justice invraisemblable, RANARISON Tsilavo, le plaignant est associé détenant 20 % des parts dans la société CONNECTIC. Iaccuse son associé Solo d’avoir fait virer sans contrepartie dans une entité appartenant à Solo près de 1.047.060 euros. En tout et pour tout, si préjudice il y a, la part de RANARISON Tsilavo doit d’éléver à 209.412 euros tout au plus.

 

A Madagascar, à la Cour d’Appel d’Antananarivo, le 13 mai 2016, un magistrat, RANDRIARIMALALA Herinavalon a motivé une peine de 2 ans de prison avec sursis et 428.492 euros de dommages intérêts par une simple phrase :  » Sur les intérêts civils : Confirme le jugement entrepris » alors que le jugement  du tribunal correctionnel  n’est pas motivé

A Madagascar, le 25 mars 2017, la Cour de cassation motive le rejet du pourvoi en cassation en disant :  » en ce qui concerne la fixation des dommages intérêts relève du pouvoir souverain des Juges du fond et contrôle au contrôle de la Cour de cassation » alors que comme il a été démontré plus les juges du fond n’ont pas motivé la peine de 2 ans de prison avec sursis et 428.492 euros de dommages intérêts

Alors que la Cour de cassation doit vérifier la base légale de toute décision de justice

En guise de conclusion, il est permis de formuler trois observations, d’après une étude de Dominique FOUSSARD avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation

La première est d’ordre pratique. Quoi qu’on puisse penser du défaut de base légale, il faut lui reconnaître un mérite, qui n’a pas de prix, à savoir qu’il prémunit incontestablement contre l’arbitraire ou – ce qui revient au même – contre le soupçon d’arbitraire. Chacun de nous constate, dans sa vie quotidienne, que rien ne remplace, pour contrôler la justesse d’une idée, l’épreuve de l’écrit. Contraignant le juge à s’expliquer, le défaut de base légale le garde de l’erreur. Par ailleurs, l’autorité de l’institution judiciaire, condition de son efficacité, est étroitement liée à la perception qu’en a le justiciable ou son conseil. Or, le fondement de cette autorité réside dans la force du raisonnement, dans sa complétude, dans sa pertinence, que sanctionne précisément le défaut de base légale.

La deuxième observation est d’ordre politique. Par certains côtés, ce cas d’ouverture peut paraître approximatif, indécis, subtil. Il souffre de la comparaison avec la violation de la loi. Il n’en a ni la logique implacable, ni l’esthétique. Mais il est souple, et cette souplesse en fait un instrument irremplaçable pour la Cour de cassation, car il lui permet d’ajuster son contrôle en fonction de sa politique jurisprudentielle. L’effectivité de la règle, exigence à laquelle sont particulièrement attachés les juges de Luxembourg ou de Strasbourg, est largement tributaire d’un contrôle de défaut de base légale.

La troisième et dernière observation est d’ordre théorique. Depuis toujours, notre droit est traversé par des tensions. Quand les glossateurs et l’Ecole de Barthole raisonnaient sur des situations concrètes – « Ex facto jus oritur : le droit naît du fait », énonçait Balde –, quand les humanistes et les juristes du Grand Siècle tels que Cujas, Doneau, Domat, ont eu le goût du raisonnement déductif et se sont plu à l’édification de systèmes, quand les juristes du début du 19 ème siècle ont mêlé l’esprit philosophique, qui leur a été transmis par les Lumières, et l’attention à la lettre des textes qu’impliquait la codification, leurs successeurs se sont tournés vers l’Ecole historique, puis vers l’Ecole de la libre recherche scientifique pour libérer le droit des constructions purement intellectuelles, et l’arrimer, afin de mieux l’enraciner, à son contexte social, économique, culturel. Plus près de nous, quand les plus grands juristes de la fin du 19 ème siècle et du 20 ème siècle se sont appliqués à élaborer des théories générales, en sollicitant la raison, comme l’ont fait Aubry et Rau, Planiol, Ripert et bien d’autres, des auteurs récents se réclamant de Demogue, impressionnés par le droit anglo-saxon, attentifs aux invitations de Luxembourg ou de Strasbourg, veulent qu’on s’attache aux effets concrets de la règle, aux équilibres sociaux et économiques qu’elle postule, aux effets pratiques qu’elle induit. Or, au stade du pourvoi en cassation, c’est souvent au travers du défaut de base légale, plus qu’au travers d’un contrôle de violation de la loi, où il est parfois mal à l’aise, que ce courant parvient à s’exprimer.